Jas de Marrou

Ce dimanche d’avril, grand rassemblement à Signes des fainéants, bras cassés, co-vidés à fond, usés de la spéléo... Nous sommes une petite dizaine a caqueter autours des sacs pour nous répartir le matos, les bières, les desserts, les pâtisseries. Il faut tout monter la haut, sur le plateau d’Agnis.
C’est que l’aven est profond, -12 m. à la sonde, mais le bougre se double d’un puits parallèle et au fond, un petit trou impénétrable qui souffle un bon courant d’air….
Et ça… et ça….Même chenus, arthritiques, frustrés, râleurs, ça remue quelque chose dans les neurones et le regard bascule par dessus l’horizon…. Il faut aller voir, absolument, comment c’est foutu la bas derrière.
Alors on a ajouté un perfo avec ses deux accus plein de jus, des burins, une massette, des forets, des boîtes, des choses et des trucs…. On a même un plongeur (ouf! Il n’a pas mené ses bouteilles)
C’est un véritable convoi de mules qui grimpe pendant deux heures chrono, pour jeter tout ce bordel au bord du trou.C’est en plein bois, labouré par les sangliers. Personne aux alentours, sinon un ogre qui vit reclus dans son jas à cinq cent mètres derrière la crête. On en parle pour faire peur, mais on ne l’a jamais vu. C’est que ça fait trois, quatre fois qu’on vient chercher, trouver, explorer cet aven improbable, qui en plus est bien marqué sur la carte.

D’abord on mange puis on descend… Ceux d’en bas sont à l’abri, ceux d’en haut, stoïques sous la chavane… On perce un gros pilier stalagmitique, sur la droite du passage… On remonte…
Un bruit sourd… On attend…. Il ne pleut plus, c’est bien.
On redescend.
On perce à nouveau, cette fois trois trous sur la gauche. On remonte… un bruit moins sourd que le premier…. Commentaires sur le machin de la chose. On attend….. Il fait froid et humide….
On redescend
Ouais! C’est super!
Commentaires….
Fracas des blocs qui débaroulentsur l’éboulis, arrêt, on cogite…. Deux grosses lames rocheuses coincent au fond et en haut du boyau! Si on s’allonge pour le gansailler elles écrasent le téméraire… Et pourtant au dessus c’est tout noir, on voit que ça s’élargi… Comment faire.
On fait venir un long bâton et chacun d’essayer de décoincer ce qui coince.
L’expert entre en scène, il réfléchi, moment rare, le silence se fait…. Le bâton casse, il se reprend…. ça vient... les deux lames de roche cèdent et décident de trouver plus de stabilité enbas de l’éboulis.
Un passage noir, large se dessine devant nous. On laisse passer celui qui a eu l’idée de venir là.
Moment intense.
Il s’allonge, se contorsionne, se soulevé pour passer au dessus du gros bloc qui ferme le passage, ça passe en haut, il serelève….
Alors, qu’est ce qu’il y a?
On se serre pour voir nous aussi.
Un deuxième passe… Ils sont partis à deux vers l’inconnu.
On attend…. Pas longtemps.
Pas euphoriques sur la suite, arrêt sur trémie après quelques mètres.

Je m’engage à mon tour, deux mètres de boyau, je passe par dessus le gros bloc et ça s’élargi. Je grimpe à quatre pattes une pente terreuse et je suis arrêté tout de suite dans un bas de puits bouché en haut et à droite par des blocs calcifiés formant trémie. Le courant d’air vient de là et s’enfuie à gauche dans une faille de vingt centimètres de large.
Continuer une désobstruction la dedans serait un travail de titans et très dangereux.

C’est terminé, fin de l’aventure.
On bourre les sacs et on remonte tirant fils et cordes
Les mules redescendent par le même chemin et deux heure plus tard, on balance tout dans les coffres de voitures.
On est à la bourre, le virus va nous tomber dessus dans un quart d’heure à peine et on est bien loin de la sécurité de nos foyers, 10 kms, 30 kms, on ne sait plus très bien….
Juste le temps de croiser les regards, chacun repart.
C’est sûr, la prochaine fois, ça passera plus loin… Mais il faut chercher…. Chercher….
Et c’est ça qui nous plaît.