Le test de la Tuyère
-
Ce wee-end, dit de "cohésion", a vu beaucoup d'Aubagnens très motivés se croiser et se côtoyer sur le plateau de Siou Blanc, chacun avec son objectif bien défini. Il y avait ceux qui souhaitaient découvrir notre activité, ceux qui voulaient profiter de l'occasion pour faire leurs premières armes en équipement de cavité, d'autres qui voulaient peut-être juste passer un week-end sympa avec les poteaux (d'autant plus qu'il y avait apéro le samedi soir).
En marge de cette réunion conviviale et nécessaire, 2 parasites récidivistes ont joué les sauvages et se sont discrètement mais prestement éclipsés dans le lapiaz de Siou Blanc, avec un objectif non moins ambitieux: réussir le fameux "test de la Tuyère".
Le "test de la Tuyère" est réservé aux vieux briscards qui ont usé leurs bottes à la recherche des petits trous déshérités de Siou Blanc, ceux que personne ne fréquente parce qu'ils sont trop loin, trop petits, trop rastègues, trop perdus, trop pommés, trop moches, trop insignifiants, trop parpineux, trop "pas équipés du tout". Bref, un peu comme l'aven de la Tuyère dans le secteur des Gaches, perdu quelque part dans le lapiaz entre le Caveau et les 4 Confronts.
L'aven de la Tuyère, insignifiant s'il en est, s'ouvre comme une simple fissure de lapiaz sur une butte qui émerge de la forêt. Pas d'arbre pour amarrer, pas de spit ni goujon, encore moins de broche pour aborder cette cavité certes modeste (-70) mais défendue par un presque P60.
Le Papé y avait traîné les adeptes de la spéléo du matin, après navigation au GPS entre rochers et chênes verts. L'équipement est 100% bio (expression du papé lui-même), juste quelques becquets d'Urgonien qu'il faut courtiser avec soin.
Mais pour aller au bout de la logique, il fallait jouer la carte de la "spéléo traditionnelle" jusqu'au bout: pas de plaquettes, pas de tamponnoir (le Papé n'aurait pas aimé), mais aussi... pas de GPS. Là, ça se corse vraiment.
Bon, avec Jacquie on avait quand même un peu préparé notre coup, puisque nous avions déjà traîné dans le secteur au mois de mai dernier, en rajoutant quelques cairns par ci par là.
Mais ça reste quand même dans l'esprit, et honnêtement il faut être bien vigilants pour repérer les cailloux qui se planquent dans la végétation à notre approche.
Progression dans le lapiaz des Gaches
Notre discrétion a donc fini par payer: après quelques doutes et hésitations, nous voilà enfin sur le petit lapiaz qui flotte comme un radeau au dessus de la canopée. L'entrée de l'aven de la Tuyère (ou ACV) a beau serrer les fesses, nous la repérons sans autre difficulté.
Dans l'aven de la Tuyère
Après, c'est de l'équipement "à l'ancienne", avec quelques sangles et ficélous judicieusement disposés sur les béquets. Ça ne frotte pas bien sûr, ça touche un peu quand même (mais pas trop), il faut savoir se faire légers et furtifs. C'est tout l'intérêt de l'affaire, et on aime bien ça (le Papé a fait école).
Contraste avec la journée d'hier, consacrée à la spéléo moderne, sérieuse, technique, sécurisée, conviviale, prévisible, codifiée, sociabilisée. Il faut de tout pour faire un monde.
A la sortie du trou, ça gronde au loin et on sent bien que ça risque bien de ne pas rester sec bien longtemps. On ne traîne pas, et on grignote et repart dare-dare pour une traversée de la forêt enchantée en jouant à cache-cache avec les cairns facétieux. L'orage se fait plus insistant, et l'averse nous cueille juste quand nous atteignons la voiture.