Charlie et les gardiens du Temple

  • Charles C. SCPA-Escandaou
  • Spéléologie

Le Parc National des Calanques, c'est quelque chose de sérieux et ce sont des gens sérieux qui mènent la barque. Vous pensez bien, un territoire de 8500 ha à protéger de l'avidité des hommes aux portes de la métropole marseillaise, ça ne rigole pas. Un territoire d'ailleurs bien malmené et surexploité depuis des siècles par les activités humaines, qui n'en n'ont laissé qu'une friche semi-désertique (les Calanques restent pourtant à nos yeux une référence en terme de nature, c'est ce que l'on appelle "l'amnésie environnementale"). Une foule de gens se pressent aux portes de cet espace désormais protégé, chacun défendant âprement ses prérogatives, parfois biens éloignées des valeurs naturalistes (il y a quelques mois encore, il était par exemple tout à fait légal d'y engluer des oiseaux protégés, et personne ne pouvait trouver à y redire).
Naviguer avec sérénité dans cet univers est un vrai métier, alliant de nombreuses et diverses compétences (psychologie, diplomatie, connaissances naturalistes, juridiques, et j'en passe). Dans le cadre de notre CDS, l'interface avec l'administration du Parc est assurée par Christophe et Alex. A eux deux, ils incarnent le sérieux, la force tranquille, l'autorité scientifique, la culture spéléologique. Et ils sont à ce titre perçus comme des interlocuteurs de choix par les responsables du Parc qui reconnaissent en eux des spécialistes crédibles.

Mais ce mardi, Alex étant indisponible, Christophe me sollicite pour participer à une sortie au Grand Draïoun, dans les falaises soubeyrannes, en compagnie d'Olivier, Lucas et Fabien, gardes du Parc des Calanques de leur état. Un exercice que je redoute un peu: je vais devoir me montrer attentif à leurs arguments, diplomate, modéré. Je ne suis pas à bonne école pour ça, et je ne serai pas dans ma zone de confort. Nous verrons bien.
 

Olivier, Lucas et Fabien, les "Gardiens du Temple"

Olivier, Lucas et Fabien, les "Gardiens du Temple"

Premier motif de satisfaction, les Gardiens du Temple sont des gens... normaux. Ils sont avenants et manient l'art de la plaisanterie comme chacun d'entre nous. Le contact s'établit donc naturellement. Christophe et moi arborons nos guenilles rapiécées habituelles, nos 3 compères sont magnifiques dans leur tenue noire et grise règlementaire, leur casque jaune sans une égratignure. Nous voici partis sous les falaises.

Accès au porche d'entrée.
Accès au porche d'entrée.
Accès au porche d'entrée.
Accès au porche d'entrée.
Accès au porche d'entrée.

Accès au porche d'entrée.

Question matos, nous faisons un peu amateurs avec nos baudriers élimés et nos bloqueurs dépareillés. Nos 3 pros, eux,  sont équipés de baudriers gros calibres complété d'un attirail plutôt copieux. Ils portent chacun un kit Sherpa tout rebondi qui doit peser bien bien lourd.
Question procédure, j'avoue ne pas tout comprendre, les voies de l'administration sont plus impénétrables que le méandre de l'Arrache Esquine. Nous faisons course commune, mais ils ont mission de ne pas toucher à notre matériel, c'est comme ça. Nous ferons donc cordialement corde à part pour l'équipement de la vire. Avec Christophe, nous optons pour un simple assurage dynamique, de leur côté ils devront installer une main courante fixe avec une corde statique.

En attendant la fin de cette opération, Christophe et moi avons la mission de repérer dans la voute du porche une corniche propice à l'installation d'un capteur de fréquences d'ultrasons. Cet appareil permettra d'identifier la fréquentation du site par différentes espèces de chiroptères.
Christophe se lance dans une escalade acrobatique sans trouver la broche attendue. Cela nous donne l'occasion de retrouver l'accès à la galerie supérieure qui domine la galerie principale de la grotte. Aucun de nous deux ne connait cette galerie, c'est donc une découverte.

Christophe à l'œuvre dans les voûtes du porche d'entrée.

Christophe à l'œuvre dans les voûtes du porche d'entrée.

La galerie supérieure est bien jolie, elle est ornée par des concrétions d'un autre âge complètement recristallisées. Un vieux plancher stalagmitique massif et délabré par le temps trône sur une corniche. C'est sûr que ce réseau sup doit avoir une longue histoire à nous raconter.

La galerie supérieure est son vieux concrétionnement.
La galerie supérieure est son vieux concrétionnement.
La galerie supérieure est son vieux concrétionnement.
La galerie supérieure est son vieux concrétionnement.
La galerie supérieure est son vieux concrétionnement.

La galerie supérieure est son vieux concrétionnement.

Sur une corniche, de vénérables crottes sont éparpillées. Un peu desséchées, elles ne sont pas de la toute première fraîcheur et témoignent du passage d'un petit carnivore qui a "jadis" fréquenté les lieux. Lucas, en naturaliste avisé, nous apprend qu'il pourrait s'agir d'un crottier de genettes, un joli mammifère tacheté de mœurs nocturnes et par conséquent pas facile à observer.

Le crottier de genettes (vue partielle).

Le crottier de genettes (vue partielle).

Une fois tout le monde réuni dans le porche, nous voila partis plus profondément dans la grotte. L'idée est d'installer "quelque part" un "écho compteur" afin de d'évaluer la fréquentation de la cavité sur le long terme. Nous recherchons donc le point de passage idéal qui permettrait de comptabiliser en toute discrétion les visiteurs.

Progression dans le méandre.
Progression dans le méandre.
Progression dans le méandre.

Progression dans le méandre.

A la salle Loana, il est décidé de se poser. L'heure tourne, et les kits Sherpas rebondis de nos 3 gardes auraient bien du mal à poursuivre au-delà.  L'heure du pique-nique est décrétée à l'unanimité (sans convention préalable entre CDS et PNC).

Pause casse-croûte à la salle Loana.

Pause casse-croûte à la salle Loana.

Instant convivial entre gens civilisés aux intérêts principalement convergents, mais pas que. Nous parlons de l'aventure de Loana et ses chevaliers servants, de restrictions d'accès à nos chères cavités (qui ne sont absolument pas à l'ordre du jour nous rassure t-on), de la riche biodiversité des Calanques (et ils en connaissent un rayon), de l'impact des activités humaines sur ce milieu fragile, des projets et actions communs à réaliser dans le futur pour mieux le connaître, de l'histoire longue et complexe du karst littoral en Provence. Je me fais remballer aimablement quand je mets sur le tapis le cas de mes amphibiens naufragés dans les cavités, et on nous assure que l'on pourra sans entrave poursuivre nos prospections dans le Soubeyran (bon, bien sur, pose de spits soumise à demande de travaux, il faudra faire profil bas...). En tout cas, tout ça nous change des blagues de PatriX...

Une main pas préhistorique pour un sou dans la salle Loana.

Une main pas préhistorique pour un sou dans la salle Loana.

Test de l'écho compteur dans le méandre.

Test de l'écho compteur dans le méandre.

Dernière tâche à effectuer: la mise en route de l'écho compteur dans un renfoncement du méandre. Un site approprié est repéré, mais l'appareil refuse catégoriquement de compter. Après quelques essais, il est remballé dans l'un des 3 gros sherpas, l'opération est terminée pour aujourd'hui.

Nous prenons congés de nos 3 amis dans le porche d'entrée: il leur reste la vire à déséquiper, et Christophe à une contrainte d'horaire. Depuis le sentier Philémon, un dernier salut de la main aux 3 gardiens du temple que nous apercevons encore tout en haut de la vire. Avec leur accoutrement noir et jaune, on dirait 3 grosses guêpes sur un mur. L'expression fait rire Christophe, mais il m'autorise quand même à la rapporter dans le compte rendu de sortie.

Retour sur le sentier, avec un œil sur les porches de la falaise

Retour sur le sentier, avec un œil sur les porches de la falaise

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